Swoon : l’engagement par la douceur. La chronique street art de Philippe Rosenpick
Parole de collectionneur, Philippe Rosenpick livre ses impressions sur le travail de Swoon, à quelques jours de l’ouverture de sa 1ère exposition institutionnelle à Paris à Fluctuart, “Time Capsule” :
Le vrai nom de Swoon est un nom de roman, un nom de bande dessinée, un nom d’héroïne. Trois mots qui ne pouvaient que pousser cette jeune fille timide à faire quelque chose d’exceptionnel, à faire quelque chose d’unique : Caledonia Dance Curry ! Quand on prononce ces mots, il y a un truc, un sentiment de pas commun, pas dans le moule, un nom qui sent l’aventure et les rocheuses, un nom de chercheur d’or, de défricheur d’espaces. Un nom qui pousse à ne pas se satisfaire des routes toutes tracées, banalisées. Un nom qui sent le grand large, le voyage. Il faut se faire un destin à la hauteur de ce nom et c’est ce que fait Swoon : elle vogue sur le Mississippi ou à Venise sur des radeaux fabriqués à partir d’objets de récupération, prenant le contrepied de la société consumériste et créant une sorte de communauté HOBO joyeuse. Elle participe à la reconstruction de maisons « artistiques » pour venir en aide aux rescapés d’Haïti. Elle se promène et contemple les gens à l’infini, véhiculant un message de paix, de fraternité et de joie. Elle parle de l’essentiel. Ses yeux pétillent de l’or de ses rencontres.
Née en 1977 dans le Connecticut, Swoon affiche ses premiers collages transparents en 1999 dans les rues de Brooklyn, sous forme de silhouettes qui se fondent dans l’espace urbain, comme pour souligner que dans un espace qui anonymise de plus en plus l’homme, surgit toujours la vie qui jamais ne s’efface. Déjà ses premières silhouettes apportent un style unique. Elle suit des études artistiques au Pratt Institute dont elle sera diplômée en 2002 mais ses études lui paraissent trop conventionnelles, l’art officiel et mercantilisé étouffant, plus concerné à créer des produits d’investissement pour valoriser le quant à soi qu’à refléter la diversité, l’essentiel.
Swoon ne se destinait pas à l’art urbain mais sera inspirée par Banksy, Blek le Rat, les travaux de Gordon Matta Clark, le théâtre d’ombres indonésien et la gravure expressionniste allemande. Cette artiste de la douceur est en fait une artiste engagée car ses installations, ses travaux sur les murs des villes du monde entier, ses excursions fluviales sur le Mississipi et à Venise, sont le témoin d’un engagement humaniste très ancré.
Quand on contemple les œuvres de Swoon, une cascade de mots vient à l’esprit : fragilité, douceur, vulnérabilité, quiétude, paix, espoir, tendresse, dignité… amour. « Dans l’acte de regarder, il faut beaucoup d’amour, de dévouement, d’humilité et de patience » dit-elle. Swoon se veut en dehors des cercles et délivre un art humaniste qui donne de la joie, provoque un espoir contagieux. Le câlin d’Alixa et de Naïma est d’une grande douceur. Les regards de ses personnages, leur attitude les rend uniques car tout le monde est unique. Jamais de misérabilisme dans la condition de ses personnages mais de la tendresse, de l’espoir. Ses personnages anonymes apposés sur les murs sont uniques, essentiels, ce sont eux, ce sont nous. Ce n’est pas sans rappeler le Projet Imagine de Frédérique Bedos qui elle aussi met en lumière des anonymes extrarodinaires, les travaux photographiques de Jean Baptiste Huynh sur les visages. Un art qui met en lumière une certaine simplicité pour conquérir l’essentiel, nos cœurs. A l’opposé d’une société marchande qui valorise Koons des millions de dollars.
L’art de Swoon est totalement artisanal, « fait à la main et au cuter » pourrait-on presque dire ! Ses dessins sont gravés sur du linolénum puis gravés sur du Mylar ou papier recyclé avant d’être peints à l’acrylique. Sa technique est unique et identifiable au premier regard, ses œuvres souvent de grande envergure, souvent colorées. Swoon a été exposée dans de très grands musées, le Tate Modern de Londres, le MoMA, le Moca à Los Angeles et est désormais représentée dans des galeries partageant son ADN comme la LJ galerie à Paris qui la représente depuis longtemps, bien avant que sa notoriété s’envole.
L’artiste est mise à l’honneur lors de l’ouverture de Fluctuart à Paris le 27 mai prochain, nouveau temple flottant de l’art urbain.
Swoon signifie « pamoison, se pâmer », « défaillir, s’évanouir… de plaisir ». Alors Fluctuart ouvre le 27 mai… pour se pâmer devant les œuvres de Swoon.
Avocat associé chez Desfilis, organisateur du prix du Graffiti 2016/17, promoteur de la fresque dessinée par Crey 132 en l’honneur du Bleuet France sur la place des Invalides, membre de la commission d’appel de la Fédération Française de Rugby, Chevalier de la Légion d’honneur