2 May 2018
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A l’occasion de la saison du dessin à Paris, la galerie propose en mars et avril une exposition consacrée à trois artistes qui travaillent sur papier, et au delà. Cette exposition est aussi l’occasion pour la galerie de présenter à son public trois nouveaux artistes à qui elle consacrera ultérieurement des expositions personnelles. Rithika Merchant (née en 1986) est originaire de Bombay et vit à Barcelone. Howie Tsui (né en 1978) est originaire de Hong Kong et vit à Vancouver. Jason Jägel est né en 1971 et vit à San Francisco : il est une figure incontournable de la Bay Area. Le travail singulier de chacun d’entre eux, influencé par leurs cultures d’origine et d’adoption, s’inscrit dans la continuité du programme de la galerie, résolument centré sur un art figuratif et narratif.
Rithika Merchant est une artiste originaire de Bombay, où elle est née en 1986. Après son diplôme de Parsons ( New York, 2008) et des résidences en Grèce et au Portugal, elle décide de s’installer à Barcelone, où elle vit depuis une dizaine d’années, tout en retournant très régulièrement en Inde au gré des expositions et projets qu’elle y développe avec sa galerie indienne Tarq.
Elle expose également régulièrement aux USA et en Europe, mais c’est en 2017 qu’elle reçoit une attention particulière des médias pour sa collaboration très réussie avec la maison Chloé, fruit de sa rencontre avec sa directrice artistique Natacha Ramsay-Levi, pour qui Rithika a dessiné les imprimés de la collection été 2018 : un succès tant commercial que médiatique pour la marque et pour l’artiste. Pour ce remarquable projet, Vogue India a décerné à Rithika le prix de Young Achiever of the Year, à l’occasion de ses Women of the Year Awards 2018 à l’automne dernier.
Son travail, figuratif, symboliste, narratif, pourrait se situer entre celui d’Andrew Schoultz et d’Allyson Mellberg, pour faire référence à des artistes de la galerie. Rithika crée une mosaïque de mythes à partir des récits traditionnels que l’on retrouve dans toutes les cultures, une exploration des mythes épiques au-delà des géographies, tout en développant son propre vocabulaire visuel fait de créatures et de symboles. Chacune de ses peintures peut être vue comme un totem qui invite le spectateur à tisser sa propre narration, en s’appuyant sur la mémoire collective pour générer un sens.
La nature joue un rôle prépondérant dans le travail de Rithika : elle est exacerbée par l’emploi de formes organiques et de couleurs modérées. Ses peintures, d’aquarelle, de gouache et de collages, puisent notamment leur inspiration dans les dessins de botanique du XVIIe siècle et de l’art populaire, pour créer un corpus d’oeuvres visuellement rattaché à notre passé collectif.
Jason Jägel est un peintre, enseignant et muraliste pour des commandes publiques, né en 1971 à Boston et vivant à San Francisco. Il sort diplômé de Stanford en 2002. Son travail utilise la structure des bandes dessinées pour évoquer des mondes fictifs où tout peut arriver à tout moment, tout comme dans la vie quotidienne.
Au début des années 2000, il se fait connaître du grand public et des fans de Hip Hop via les pochettes d’albums qu’il illustre pour MF Doom, Madlib, ou Dudley Perkins. Jägel aime d’ailleurs parler de son travail dans des termes musicaux : rythme, vibration, instrumentalité.
Jägel a réalisé à ce jour 9 commandes publiques de peintures murales à San Francisco, s’insérant toutes dans le contexte de transformation de quartiers, par des projets innovants à grande échelle. Sa prochaine commande est une mosaïque de 4 x 10 mètres qui sera installée à l’aéroport international de San Francisco cette année 2019. Ses peintures murales mettent en scène de façon très colorée le bouillonnement de la vie en milieu urbain. Dans ses oeuvres, des citadins côtoient des animaux au sein d’un monde où la nature se superpose aux architectures.
Ses fresques rappellent son travail d’atelier, souvent réalisé à la gouache et au crayon sur papier. Jägel souhaite avant tout raconter une histoire, une narration. Les formes sont peintes sans artifices, avec des aplats de couleurs pastel, tandis qu’il parsème le reste de sa composition de dessins épurés. Il utilise de nombreuses teintes dans chacune de ses compositions en jouant très peu sur les contrastes, ainsi ses peintures restent lisibles malgré l’agitation qui les anime.
Les influences que Jason Jägel convoque dans son travail sont assez éclectiques, allant du peintre Philip Guston, de l’artiste Bruce Conner, au dessinateur Chris Ware, au musicien Dudley Perkins, à l’écrivain Haruki Murakami, ou encore au réalisateur Hayao Miyazaki. Il tient aussi ses racines artistiques de sa famille : son père, John Jägel, était peintre et élève du peintre abstrait Josef Alberst. L’un des points communs des Jägel père et fils est l’accent mis sur la couleur.
Les oeuvres de Jason Jägel font partie des collections de plusieurs musées, dont le Museum of Modern Art à New York, le San Francisco Museum of Modern Art ou le Hammer Museum à Los Angeles. Sa précédente exposition à Paris, “The Bitter End”, remonte à 2013.
Howie Tsui (Tsui Ho Yan / 徐浩恩) est né à Hong Kong en 1978. Il a grandi entre Lagos (Nigéria) et Thunder Bay (Ontario, Canada), et vit et travaille à Vancouver. Tsui emploi une grande variété de médiums pour réaliser des installations fictives qui bousculent des formes d’art canonisé et des genres narratifs issus notamment de la tradition littéraire chinoise. Il synthétise les anxiétés socioculturelles divergentes autour de la superstition, des traumatismes, de l’acculturation et de l’altérité. Tsui est diplômé de l’université de Waterloo (2002) et a reçu le prix Joseph Stauffer du jeune artiste le plus prometteur par le Canada Council en 2005. Son travail fait partie des collections du National Gallery of Canada, Vancouver Art Gallery, Art Gallery of New South Wales, Canada Council Art Bank, Ottawa Art Gallery, City of Ottawa, Global Affairs Canada et du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (Canada).
Le BC Arts Council et le Canada Council for the Arts ont récemment financé la production de son projet «Retainers of Anarchy», une animation vidéo de 25 mètres de long de ses dessins, d’abord projetée au musée d’art contemporain Vancouver Art Gallery en 2017, puis au musée OCAT à Xi’an, Chine, en 2018. Ce projet itinérant sera ensuite présenté en 2019 et 2020 dans des musées d’art contemporain au Canada et en Australie. Dans «Retainers of Anarchy», et dans son travail récent, Howie Tsui s’inspire du genre littéraire du Wuxia, qu’il appréhende comme un outil narratif de dissidence et de résistance. Le Wuxia est une forme traditionnelle de littérature liée au kung-fu qui s’est popularisée au XXe siècle à travers le cinéma et la télévision, dont les personnages sont souvent issus d’une classe sociale inférieure, portés par des idéaux chevaleresques en opposition à des forces oppressives en période d’instabilité politique. Le gouvernement chinois a longtemps exercé une forte censure sur le Wuxia, par crainte que celui-ci inspire un sentiment de rébellion au peuple. Les auteurs de Wuxia ont donc particulièrement développé le genre à Hong Kong, devenant le genre le plus populaire de fiction chinoise. Un des ouvrages les plus connus est The Legend of the Condor Heroes, de Jin Yong (alias Louis Cha), sujet à de multiples adaptations. Tsui, avec «Retainers of Anarchy», reprend des références à la dynastie Song (960-1279) et met en scène sa narration dans la Citadelle de Kowloon, enclave chinoise à Hong Kong démolie en 1993, connue pour sa densité exceptionnelle de population.
Au-delà du sujet de cette oeuvre, celle-ci illustre de façon remarquable le passage d’Howie Tsui du dessin classique au New media art. Tsui s’est auparavant fait remarquer pour ses oeuvres à l’encre sur papier (The Unfortunates of D’Arcy Island, 2013 ; Horror Fables, 2009), ses installations de dessins gravés sur bois (Hei Gung Deviation, 2017) et sur peau (Of Malingerers, Skulkers And Dupes, 2012), ou même sur un jeu de flipper (Musketball!, 2012).
“Parallax Chambers” ouvre un nouveau chapitre dans le travail en constante évolution de Howie Tsui. Au delà des mondes fictifs et tourmentés qu’il fait apparaitre sur le papier, Tsui a, ces dernières années, expérimenté l’animation, les médias algorithmiques et l’impression lenticulaire. “Parallax Chambers” rassemble une série d’œuvres nouvelles qui poursuivent ses explorations de l’imagerie séquentielle et de l’animation algorithmique. Toutes les œuvres sont issues de processus développés dans son oeuvre “Retainers of Anarchy”. Tsui a d’abord présenté “Parallax Chambers (White Camel Mountain)” pour la première fois à la Art Labor Gallery (Shanghai) en 2018. Il utilise un processus pointu mêlant dessin, animation et programmation algorithmique pour représenter une pièce particulière d’un immeuble fictif de la Citadelle de Kowloon à Hong Kong (démolie en 1993). Chaque pièce met en scène des séquences animées d’art martial en même temps que des habitants de l’appartement mènent leurs rituels quotidiens domestiques et professionnels. Cette juxtaposition vise à créer un amalgame entre ces deux groupes de fiction et de réalité, et à souligner les affinités que l’on peut trouver entre la nature anarchique de l’univers des arts martiaux d’une part, et la société auto-organisée de la Citadelle de Kowloon d’autre part.
A titre plus personnel pour Howie Tsui, la Citadelle de Kowloon, de par sa situation au delà des frontières géographiques et administratives de la Chine et de Hong Kong, sert d’avatar au sentiment de liminarité perpétuelle que ressentent tous les émigrés.
“White Camel Mountain” est le premier chapitre d’une série de pièces dont chacune mettra en scène une secte particulière décrite dans le livre Legend of Condor Heroes de Jing Yong.